Vous avez répondu : « J'ai vu une pipe. »
Rien de grave, rassurez-vous, c’est seulement que vous vous êtes centré(e) sur le contenu, sur le fond, sur l’information transmise. Pour vous, l’image dit quelque chose, elle communique sur le monde et ce quelque chose est assimilé, est associé au réel, voire fait fusion avec lui. L’image et le réel, c’est un peu la même chose…
En classe, nous utilisons énormément l’image de cette façon. Pourquoi d’après vous ? D’après moi, pour 4 raisons qui sont en fait des avantages : 1. L’image permet de faire venir un ailleurs dont on ne dispose pas, elle fait rentrer quelque chose du monde dans la classe que l’on peut par la suite consulter à tout moment. 2. Elle ne laisse personne en situation de blocage. Il peut y avoir des différences culturelles mais je pense que la photo de la lune, d’un arbre ou du soleil fait sens à tout le monde, peut-être pas le même sens mais fait sens tout de même. Par sa façon de signifier, l’image est accessible à tous (à condition de posséder la vue !). C’est une sorte de langage universel qui ne laisse personne en situation de blocage. L’image n’abandonne personne, ce qui n’est pas toujours le cas d’un discours et encore moins d’un écrit. 3. L’image parle. Qu’elle soit fixe ou animée, l’image raconte, elle tient un discours. Avec les images, on est dans le récit, dans la narration, dans le symbolique, dans l’humain. C’est parce que l’image (fixe ou animée) parle qu’elle fait parler, qu’elle permet à la parole d’advenir. 4. Elle fascine. Avec l’image, l’attention des élèves est facilement obtenue. J’appelle cela la capture…
Que voyez-vous comme utilisation de l’image de cette façon ? Je pense à l’image qui permet d’accompagner l’acquisition d’un lexique, aux images séquentielles qui permettent de développer le langage et de structurer le temps. Je pense aussi aux pictogrammes que l’on utilise sur les calendriers, aux images pour se repérer dans la classe ou dans l’école et qui permettent de structurer l’espace, mêmes utilisations pour soutenir la compréhension d’un travail sur le vivant, les objets. Pour ma part, toute la dimension textuelle de ma méthode de lecture s’appuie sur l’image filmique et l’image fixe. Je développe ma démarche sur le site du CNDP.
Quoi qu’il en soit, à un moment donné, si l’on veut faire advenir la parole et l’écrit, nous devons en passer par l’image fixe pour laquelle je procède ainsi. Je propose à mes élèves cette suite de questions dans cet ordre. 1. Que voyez-vous ? 2. Qu’est-ce qui se passe ? 3. Pourquoi se passe-t-il cela ?
D’après vous, pourquoi dans cet ordre ? Cette gradation va du simple au complexe et donc facilite la mise en mots et permet de faire parler les plus timides ou les moins en possession de la langue pour ensuite laisser parler les forts. De ce point de vue, cette gradation est un élément de différenciation pédagogique. La première question « Qu’est-ce que tu vois ? » conduit à nommer les objets et les personnages, elle est une simple description des éléments et ne présente pas de difficulté langagière, de simples mots plaqués suffisent pour répondre. Il est donc capital de poser cette question en tout premier lieu afin d’enclencher le processus de mise en mots. Cette question délie les langues, elle est le meilleur moyen pour susciter la prise de parole. La deuxième question « Que se passe-t-il ? » amène à décrire l’action dans l’image et donc à construire des phrases plus élaborées ; l’emploi de verbes devient incontournable. Enfin, la question « Pourquoi se passe-t-il cela ? » force à situer cette image dans un flux d’images antérieures. Cette question enjoint l’élève à assimiler les images précédentes, à en faire la synthèse afin de pouvoir expliquer l’illustration présentée. Ce niveau de questionnement est aussi celui qui va inciter l’élève à employer les termes qui lient les phrases entre elles, les termes relatifs aux liaisons entre les phrases : les connecteurs logiques pour argumenter (parce que), les connecteurs spatio-temporels pour raconter (alors que, et, ensuite, à ce moment-là…). Nous pouvons aller encore plus loin en demandant ce qui va se passer ensuite, ce qui place l’élève soit dans la restitution soit dans la production s’il ne connaît pas la suite ou si l’enseignant lui demande d’imaginer une autre suite.
Au CP, nous avons beaucoup recourt à l’image dans l’étude du code. Que dire de cette image ? (Attention, ne faites pas Page précédente pour revenir ici car vous retrouverez ailleurs ! Cliquez sur page précédente de votre navigateur.) Nous associons un geste à chaque son étudié. Oui, en regardant cette image, les élèves entendent un son, cette image est sonore ! Tout cela pour vous dire à quel point l’image parle !
Bref, la traduction pédagogique de votre réponse « Je vois une pipe. » est que l’image est un outil au service des apprentissages, un outil pour apprendre sur le monde. Nous l’utilisons, nous l’intégrons au gré de nos besoins disciplinaires. Nous faisons par là-même de la pédagogie par l’image, nous éduquons par l’image. |